Charles, jeune orthophoniste de 30 ans exerçant en libéral dans un cabinet médical à proximité de la gare des Brotteaux, ne se prédestinait pas vraiment à cette carrière. Etudiant en droit, c’est par amour de la langue française et son goût pour en magnifier toute sa richesse qu’il a littéralement changé de cap pour l’orthophonie. Un domaine peu connu du grand public et qui ne se cantonne pas à la seule rééducation des troubles du langage chez les enfants. Il est d’ailleurs lui-même spécialisé dans le traitement des troubles neurologiques et ORL chez l’adulte, même si il suit également quelques enfants Ses journées sont intensives mais il apprécie le fait de pouvoir organiser son agenda comme il l’entend.

Son Conseil

« Le concours est difficile et doit être bien préparé. Il faut être sûr de son choix et connaître le métier ».

Son cursus universitaire

     Son profil atypique

Avec sa stature impressionnante, le physique de Charles ne correspond pas vraiment au profil type de la profession largement féminisée.

Un choix raisonné
Les études de droit ne l’intéressaient pas vraiment mais il a poursuivi jusqu’en licence afin d’avoir un niveau Bac + 3 validé, notamment pour passer des concours. Il s’est alors tourné vers les professions médicales et paramédicales. « Je connaissais l’orthophonie par ma mère qui a un doctorat en linguistique. C’est un métier au carrefour de beaucoup de disciplines, qui est ni littéraire, ni scientifique, mais entre les deux. Avec mon baccalauréat ES, c’est ce qui semblait le mieux me correspondre ».   Pendant un an, il a travaillé le concours avec sérieux en prépa.  « Cette formule permet de se sentir moins seul et d’avoir un vrai soutien psychologique. J’ai noué des amitiés très fortes, une camarade sera même mon témoin de mariage ». Il a réussi Besançon, Strasbourg et Lyon dont il a finalement rejoint le centre de formation. Les stages d’observation, en crèche, en école primaire, en maison de retraite, en CMPP, en CMPEA puis encore en cabinet libéral l’ont beaucoup aidé par la suite : « Ils m’ont permis d’avoir moins d’appréhensions avec les enfants. Mais c’est le stage en maison de retraite dans une unité Alzheimer qui a été pour moi une révélation. J’ai toujours bien aimé les personnes âgées. Ce stage a fini de me convaincre de me spécialiser dans les maladies neuro dégénératives ».

La mixité durant ses études

« On peut dire qu’elle était franchement limitée», plaisante-t-il, « on peut difficilement trouver moins mixte ».

Une mixité quasi inexistante
« Nous étions cinq garçons au départ  dans ma promotion puis seulement quatre au final ». Et pourtant c’est presque déjà beaucoup. S’il avait intégré Strasbourg, il aurait été le seul homme ! Etudier avec des filles ne semble pas l’avoir dérangé et au contraire, il a fait de belles rencontres et a noué des vrais liens d’amitié avec certaines camarades. L’entraide était de rigueur, et elle se poursuit encore aujourd’hui, une vraie solidarité existe.

Une opportunité de s’installer en libéral

Pendant un an, il a exercé en tant qu’assistant d’un titulaire avant de se lancer à son compte dans le centre de médecine et de traumatologie de la Part-Dieu.

S’échanger les bons filons
« C’est une camarade de promotion qui m’a parlée de cette annonce dans la rue même où je résidais. Je ne me suis pas trop posé de question, j’ai sauté sur l’occasion. Aujourd’hui je ne regrette pas mon choix ».

Un métier gratifiant et passionnant

Même si ce métier implique une lourde responsabilité de diagnostic et de traitement envers le patient, il est également utile à la société : des techniques précises de rééducation permettent d’accomplir de réelles avancées.

Une responsabilité sociétale
« Il n’y a rien de plus valorisant que de voir les progrès des patients et d’avoir leur reconnaissance ainsi que celle de leur famille ». Cependant le risque zéro n’existe pas et il est indispensable de faire preuve d’une grande rigueur et conscience professionnelle, d’être disponible et à l’écoute des personnes : « Quand je rentre chez moi le soir, je suis vidé ». Lorsqu’il travaille sur les fonctions de la déglutition, il doit être particulièrement consciencieux. Le risque d’une fausse route est présent et peut être mortel pour un patient. De plus, dans une société où la pression de la réussite scolaire est de plus en plus forte, les parents ont des attentes de plus en plus grandes. « Il faut faire prendre conscience que la dyslexie n’est pas une déficience mais reste une maladie, un mode de fonctionnement différent, et que la priorité des séances n’est pas la performance scolaire de l’enfant mais son bien-être avant tout ».

Son métier d’orthophoniste

Sa vision

 Les aspects les plus plaisants du métier :

  • Un métier assez rare et intrigant
  • Une vraie reconnaissance lorsque les résultats sont au rendez-vous
  • Une véritable relation de confiance qui s’installe avec les patients
  • Un confort financier et la qualité de vie (il a ses vendredis et week-ends et son activité est moins intense pendant les vacances scolaires)

Les aspects plus négatifs :

  • Les clichés et mystère autour du métier
  • La dépendance, parfois frustrante, des résultats à l’implication des patients qui doivent se montrer réceptifs
  • La gestion administrative et la comptabilité qui prennent un certain temps en dehors de ses heures au cabinet.

 Zoom sur ses missions

La rééducation des troubles de la communication

Les troubles et pathologies nécessitant des séances d’orthophonie sont nombreux et concernent aussi bien les enfants, les adolescents que les adultes et plus particulièrement les personnes âgées.

Les principaux troubles traités
Les troubles écrits, qu’il s’agisse de la lecture, de l’écriture, de l’orthographe (dyslexie) ou encore du calcul (dyscalculie), les deux derniers étant les plus connus,  sont très répandus chez les enfants, et se manifestent bien souvent dès le plus jeune âge. Il est important de les prendre en charge au plus vite pour le bien-être de l’enfant, et lui donner plus de chance de réussir à l’école. Concernant les troubles du langage oral, ils sont encore divers et peuvent survenir à différents âges et pour diverses raisons (choc émotionnel, trisomie, autisme…). Parmi les plus courants, on peut citer le bégaiement, les problèmes d’articulation, les troubles de la voix, le retard de langage chez l’enfant ou encore les difficultés du contrôle musculaire de la bouche. Plus spécifiquement, il s’occupe également des troubles de l’oralité et le refus de s’alimenter chez l’enfant. Même si il traite toutes les pathologies, Charles est spécialisé dans les troubles des fonctions oro-faciales et en particulier la déglutition (difficultés pour avaler les aliments) et suit un certain nombre de patients, des personnes âgées essentiellement. En effet, ces fonctions sont souvent atteintes chez l’adulte suite à une pathologie neuro-dégénérative type Parkinson et sclérose en plaque mais peut aussi se déclarer suite à une chirurgie ou  un accident vasculaire.

  Des missions annexes

En plus de son travail au cabinet, Charles assure d’autres missions, pas toujours en lien direct avec sa profession d’origine.

Suivi patient et travail à domicile
Étant donné qu’il suit des enfants, il participe aux projets d’aménagement scolaire. Dans ce cadre, il se déplace à la fin de chaque trimestre dans les établissements scolaires de ses jeunes patients, de la maternelle au lycée. La réunion se fait en présence aussi bien des parents, des équipes éducatives que de l’ensemble des intervenants scolaires et extra scolaires afin d’avoir une visibilité d’ensemble et ainsi proposer les solutions les plus adaptées aux difficultés de l’enfant. Ce suivi n’est pas obligatoire et pas facturé, il le fait uniquement par conscience professionnelle. En parallèle, il réalise également une part conséquente de travail en dehors de son cabinet, depuis son domicile, ce qui ne lui apporte aucune rémunération complémentaire. « Chaque patient nécessite un suivi. je réalise donc des bilans au médecin prescripteur ». Moins passionnante pour lui mais tout aussi importante, la gestion de son cabinet est à son entière charge du fait de son statut de profession libérale. Alors qu’il est aujourd’hui aguerri à l’exercice, cette partie lui occupe encore beaucoup de temps.  

Son environnement professionnel

Travailler dans une telle structure est aujourd’hui clairement un atout à ses yeux.

 La structure

Ils sont  neuf praticiens à partager les locaux du cabinet médical, dont cinq kinésithérapeutes, deux kiné-ostéopathes, un médecin généraliste et lui-même.

Un véritable atout
Il n’était pas vraiment parti pour s’installer dans un centre médical. Aujourd’hui, il bénéficie à la fois de la liberté d’exercer en libéral tout en jouissant des atouts d’une telle structure. Outre le caractère rassurant d’un centre médical et pratique pour la patientèle en proposant un groupement de spécialistes médicaux, cette structure offre de la visibilité au cabinet de Charles. En effet, il n’est pas rare que des patients de ses confrères le sollicitent ensuite pour des séances, après avoir découvert qu’un orthophoniste était rattaché au centre médical. Cette structure lui permet aussi de bénéficier d’un service commun de secrétariat. De plus, il entretient également de très bonnes relations avec ses collègues de travail et a noué de solides liens d’amitié malgré la différence d’âge avec certains.

Ses relations avec ses confrères

Il apprécie tout particulièrement l’ambiance pluri-disciplinaire et le fait de ne pas se sentir seul et isolé.

Une ambiance conviviale
Les échanges avec ses confrères sur le plan médical sont assez peu fréquents, les patients venant consulter pour des pathologies bien distinctes.  Mais les échanges informels sont quotidiens, dans une ambiance générale très conviviale. « J’aime mon métier et je suis en plus content de retrouver mes collègues chaque matin ». Il n’est pas rare qu’ils se voient à l’extérieur du cabinet pour partager un repas ou discuter autour d’un verre.

Orthophoniste, un métier encore très féminisé

« Nous sommes très peu d’hommes dans cette profession. Ce qui peut être clairement un avantage pour se démarquer face à la concurrence ».

Un atout à ses yeux
Ainsi, selon lui, son sexe serait même un atout lui offrant une belle visibilité. « Nous sommes plus facilement identifiables par nos confrères ».   Aussi, le fait d’être un homme orthophoniste, est d’autant moins difficile dans son cabinet que ses collègues pratiquent des disciplines bien différentes et donc l’équipe est mixte. « Ils me charrient juste gentiment parfois sur le fait que je ne travaille pas le vendredi, nettement moins pendant les vacances scolaires et que je passe du temps à jouer à quatre pattes avec des enfants pour stimuler leurs capacités à travers des exercices ludiques. Mais après ça reste très bon enfant, c’est pour plaisanter entre nous. Je n’ai jamais eu de réflexion de la part de mes collègues, ni de mes patients sur le fait que je sois un homme ». D’ailleurs, selon lui, certains parents sont même plus enclins à laisser leur enfant entre les mains d’un homme : « Ils sont souvent très entourés de femmes déjà surreprésentées à l’école, dans les garderies, parmi les nounous et j’en passe ». Selon lui, le cliché de la figure d’autorité du père est encore bien d’actualité : « Une adolescente m’a été envoyée presque uniquement pour mon physique au début. Elle ne voulait pas venir me voir et finalement tout se passe très bien aujourd’hui. C’est comme avec les enfants, ils sont loin d’être impressionnés, comme je l’appréhendais, j’ai réussi à gagner progressivement leur confiance. » La seule petite déconvenue reste la difficulté pour les institutions d’intégrer que l’on peut être orthophoniste tout en étant un homme .Lorsque j’écris des mails et courriers, (…), j’ai beau signer Charles T. on me répond systématiquement « Madame ». En dehors de cela, il se sent un orthophoniste comme les autres qui porte sa propre vision sur son métier et ses pratiques.